lundi 13 avril 2009

Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste


Jeune femme qui tisse un tapis au Cachemire
Winners of the 3rd annual Friends of the Earth International photo competition
4e place


Martin Chamberland est photographe de presse et cycliste passionné. Si une image vaut mille mots, encore faut-il savoir faire parler les images. Et là, le regard particulier de Martin fait la différence lorsqu'il s'agit d'appuyer au bon moment sur le déclencheur de son appareil. Le photographe de presse vit dans l'instant présent et c'est justement la captation de cet instant qui est à la base même de son métier. Savoir voir les choses sous un angle différent, faire ressortir l'âme d'une personne, ou le détail qui nous échappe. Ou encore nous montrer l'habituel de façon inhabituel afin de nous révéler, en quelque sorte, le vrai visage de notre monde.
Rouler en vélo relève aussi du moment présent. En tout cas, de la façon dont Martin aborde le cyclisme, c'est une passion qui va bien au delà de la simple randonnée.

U. Si tu faisais un rapide autoportrait professionnel, pour commencer.

MC. J'ai débuté à La Presse en avril 1997 (oui oui, en film!) à temps partiel. J'ai ensuite commencé au journal Le Devoir environ un an après cela. J'y ai travaillé deux ans. À peu près en même temps j'ai été à La Presse Canadienne. Je jonglais avec les trois en même temps, parfois dans la même journée! J'ai arrêté ce cirque fou lorsque La Presse m'a embauché à temps plein en novembre 2000.

U. On parle de "l'oeil du photographe" comme la signature même du capteur d'images. Dans ton cas, il va sans dire, il est particulier et remarqué par les nombreuses personnes qui t'engagent. Tu as une approche personnelle pour traiter les sujets. Comment vois-tu les choses qui t'entourent?

MC. L'oeil du photographe, le regard si on veut, est différent à chaque photographe. C'est normal, cela va sans dire et c'est ainsi pour tout, que ce soit l'écriture, la peinture, etc. Mon regard est toujours à la recherche des contrastes, de la lumière, des couleurs et des angles. Je cherche toujours à faire une photo percutante, qui attire le regard du lecteur. Depuis que je suis photographe je suis beaucoup plus observateur de la lumière qui m'entoure, je la remarque presque à chaque étape de la journée, au fil des mois et des saisons. Mais en bout de ligne, je veux que l'impact visuel puisse incorporer le plus de ces éléments afin de rehausser le contenu de la photo.

U. Comment conjugues-tu la vision personnelle d'un sujet et la commande neutre journalistique de l'image?

MC. C'est quelque chose qui se travaille au fil du temps et je crois pouvoir affirmer avec justesse que je réussis bien en ce domaine. Lorsque le sujet que je traite est contraire à mes convictions personnelles, je tente de me visualiser être cette autre personne, ce qu'elle pense, ce qu'elle vit à ce moment précis, pourquoi elle pense et agit ainsi. Je tente de me mettre dans ses souliers et cela m'aide à rester neutre. C'est mon truc à moi, je n'ai pas sondé mes collègues sur la chose.

U. La photo se doit-elle d'être neutre? Peut-elle l'être?

MC. Nous devons tous être conscients, en tant que photographes de presse, que nous avons le devoir de rester le plus neutre possible. Et en ce sens, je crois que nous réussissons toujours à atteindre ce but car notre premier devoir est de chercher à faire une photo qui colle avec l'histoire que nous couvrons. Par la suite, c'est certain qu'il y aura toujours quelqu'un pour débattre du fait que notre travail n'est pas tout à fait neutre. Je peux citer plein d'exemples où je me suis retrouvé à couvrir des sujets avec lesquels mon opinion différait grandement, mais l'éthique et la crédibilité que nous possédons à La Presse sont des choses avec lesquelles je ne badine pas.

U. D'ordinaire, je crois, l'article et la photo de presse se produisent en même temps et indépendamment. Mais arrive-t-il qu'une fois la photo présentée et choisie, cette dernière influence la couleur de l'article qui l'accompagne?

MC. C'est très rare. La raison en est fort simple. À La Presse, lorsque nous travaillons, journaliste et photographe vont habituellement chacun de leur bord. Les deux font leur travail presque sans se consulter. C'est pas mal dommage en y pensant bien, mais les choses sont ainsi. Il est donc difficile que le travail de l'un ait une incidence sur le travail de l'autre. Mais j'ai remarqué qu'à chaque fois que j'interrogeais le journaliste afin d'en soutirer le plus d'infos, la photo qui en ressortait se rapportait mieux à l'histoire.

U. Y a-t-il un devoir de réserve en photographie de presse?

MC. Oui il y a un devoir de réserve. Et ce devoir de réserve peut venir du photographe, du journaliste, d'un pupitreur ou d'un patron. Lorsque le sujet peut causer préjudice à la personne interviewée ou à l'histoire qui s'y rattache, il faut faire preuve de prudence. On fait souvent des photos de gens qui ont le dos tourné au photographe afin de ne pas les reconnaître, ou on utilise la technique de l'ombre chinoise, c'est-à-dire de ne voir qu'une silhouette. Il y a aussi le flou qui peut être utilisé. Ce sont d'ailleurs toutes des techniques que j'ai utilisées récemment pour couvrir une histoire d'un enfant qui a subi du harcèlement à l'école comme le jeune David Fortin que l'on ne retrouve plus depuis plusieurs semaines. J'ai sorti tous ces trucs de mon chapeau et j'ai été relativement satisfait du résultat.
Mais si on revient au sujet principal de la question, le devoir de réserve, c'est quelque chose que je fais probablement une fois par semaine. Je ne soumets que les photos que j'aime vraiment, soit pour leur contenu visuel ou pour leur proximité avec l'histoire racontée. C'est vraiment rare que mes patrons me demandent de soumettre de nouvelles photos car celles que j'avais initialement choisies ne leur plaisaient pas. Les patrons ne voient jamais toutes les photos que l'on prend car, en premier lieu, cela prend beaucoup trop de temps. Puis ensuite ils nous font pas mal confiance. Et de plus, le processus de sélection des photos se fait par le photographe dans un bureau à l'écart du reste de la salle de rédaction, ou carrément en dehors de La Presse comme je fais souvent.

U. Y a-t-il des secteurs délimités dans le métier de photographe de presse, ou êtes-vous libre de toucher à tous les sujets?

MC. Bien heureusement nous avons la chance de toucher à une multitude de sujets. C'est ce qui m'intéresse dans la photo de presse car cela nous amène à explorer tous les aspects de la vie humaine, l'humain sous toutes ses coutures.

U. Quels sont tes sujets de prédilection?

MC. La photo de reportage à l'étranger. Les cultures du monde m'intéressent énormément. J'aime aussi la photo de sport. Puis j'aime les reportages de longue haleine, qui nécessitent parfois même une recherche des ressources se rapportant au sujet.

U. Tu as fait une série de photos de Sylvestre Calin, propriétaire de la boutique de vélos Brakeless sur l’avenue Parc, spécialisée en "Fixie" (Vélo à pignons fixe). Quel est ton point de vue de ce mouvement en marche? Et sur le vélo urbain en général?

MC. Premièrement je dois te féliciter pour ton sens de l'observation car moi-même je n'ai toujours pas trouvé cette photo dans le journal, je l'ai manquée! En ce qui concerne les vélos à pignon fixe, je les aime beaucoup et je dois dire que j'aime surtout ce que Sylvestre fait. Il redonne une âme à des vélos qui n'en ont plus à cause des développements technologiques. C'est bien correct d'avoir une usine et de fabriquer 500 000 vélos par année, mais c'est également très beau de voir Sylvestre s'attarder à créer des oeuvres d'art avec ces vieilles bécanes qui autrement seraient vouées à l'abandon dans un sous-sol empoussiéré. J'adore là où est rendu le style urbain, qui semble avoir forgé son style sur celui des courriers à vélo.
Là où je mets un bémol, c'est que je crois que l'utilisation du pignon fixe qui est faite actuellement, relève d'une sorte de mode au détriment de la santé des genoux. Je ne suis pas convaincu que c'est le meilleur outil pour les courriers à vélo. Certains mécanos et propriétaires de boutiques de vélo disent que le pignon fixe finit par blesser les genoux de celui qui l'utilise trop. Mais tu sais, en ce qui me concerne lorsqu'il est question de vélo, je les aime de toutes les façons; route, montagne, piste, BMX, style Amsterdam, beach cruisers, hybride, name it!

U. Tu es également cycliste. À quel niveau?

MC. Je suis un grand passionné du cyclisme. J'aime tellement pratiquer ce sport que je ne saurais vraiment décrire la chose. Ce sport m'a d'ailleurs apporté beaucoup et je ne vois pas le jour où j'arrêterais de le pratiquer. Je fais du vélo de façon sportive une "coche" en dessous de la compétition, si l'on peut dire ainsi. J'ai fait des camps d'entraînement six années de suite en Virginie. Je suis allé rouler deux fois en Italie. J'ai roulé un peu en France, en Irlande, dans plusieurs autres états des États-Unis. Je pratique ce sport ainsi depuis que j'ai 13 ans, cela fait donc 22 ans de cela! Et tout cela est la faute à Steve Bauer. Je regardais la télé un après-midi et je m'ennuyais. Je suis arrivé à syntoniser le canal où l'on diffusait la course des Amériques (j'oublie le nom officiel de cette course qui a duré 5 ans à Montréal), la première édition où Steve avait remporté la course. J'ai tellement été subjugué par ces images, les vélos, la trame dramatique de la course, la façon que les cyclistes roulaient en peloton à travers les rues de Montréal, que je me suis lancé sur mon vélo immédiatement après la course et je me suis mis à rouler à tous les jours.
Je n'ai jamais arrêté depuis. Grâce au vélo j'ai pu faire des rencontres, dont Steve Bauer lui-même, et plusieurs autres, qui aujourd'hui sont des amitiés permanentes. J'ai eu la chance de rouler avec Dom Perras à plusieurs reprises, Dominique Rollin lorsqu'il a été guide en Virginie, toute la gang des mardis Lachine, Marc Dufour, Bruno Langlois, Pascal Choquette, Alexandre Cloutier. En fait il y en a tellement que j'oublie. Puis au-dessus de tout cela, il y a les anecdotes inoubliables, ces histoires, ces paysages que je garderai avec moi tout au long de ma vie avec lesquelles j'embêterai ma fille et peut-être mes petits enfants un jour à leur raconter en détail.

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Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste (suite)

Voir et lire le blogue de Martin Chamberland
http://martinchamberland.wordpress.com/

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