mardi 14 avril 2009

Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste (suite)



...Suite de l'entrevue avec Martin Chamberland

U. Ta relation avec ce sport modifie-t-elle ta prise de vue?

MC. Je crois que non. Ma prise de vue a le plus été affectée par le cinéma car avant de faire de la photo j'étudiais en cinéma, je voulais devenir directeur photo. J'aime les photos à haut contraste et à éclairage dramatique. Par contre, lorsque je photographie une course de vélo, le fait de pratiquer ce sport m'aide à mieux gérer la prise de vue durant une course.

U. Tu as déjà roulé sur un Opus, un Toccata 2001 si je me souviens bien. Roules-tu encore avec?

MC. Malheureusement je ne roule plus avec depuis l'an passé car je l'ai prêté à un cousin, je tente de le corrompre également afin qu'il devienne un des nôtres. Tu sais, pour les vampires c'est simple, ils mordent dans le cou pour qu'une autre personne devienne un vampire. Nous les cyclistes on doit prêter des vélos, des cuissards, des souliers, des casques, des bidons puis ultimement, du savoir. Le savoir qui transformera le néophyte en rouleur. Pas de la tarte je te dis. Mais il faut le faire car un cycliste c'est généralement une bonne personne... puis plus on est de bonnes personnes sur la Terre et mieux les choses iront! Donc pour le Toccata, je crois que je vais le revoir lorsque mon cousin aura eu sa morsure afin qu'il se procure lui-même sa monture. Je laisse le temps faire les choses. Je reverrai mon Toccata. Il est vraiment confortable ce vélo, c'est pas croyable!

U. Sur quel vélo roule-tu actuellement?

MC. Je roule actuellement sur un Specialized Tarmac 2008.

U. Fais-tu de la compétition?

MC. J'y ai trempé le petit orteil de la patte gauche, j'ai fait quelques courses. Mais je ne suis pas fait pour cela. Il me manque de la force et je ne crois pas avoir le profil psychologique pour réussir en compétition de vélo de course. Et je ne m'en porte pas plus mal car mon but maintenant est de me tenir en forme. Ça, je réussis à le faire pleinement. Puis pour faire de la course, il faut s'entraîner énormément, chose qui est absolument impossible maintenant pour moi depuis que j'ai un enfant.

U. Tu es un cycliste de route. Es-tu aussi cycliste urbain à l'occasion?

MC. Non je ne le suis pas; je n'habite pas en ville, ce qui voudrait dire que pour l'être il faudrait que je me déplace 45 minutes à vélo afin de l'être. Mais j'ai souvent fait des rêves éveillés que si j'habitais en ville, je me déplacerais uniquement à vélo de café en café ou d'un rendez-vous à l'autre.

U. Tu es un photographe mobile. As-tu aussi un studio?

MC. Non je n'ai pas de studio car cette facette de la photographie m'interpelle moins. Mais j'ai à portée de main quelques flashs et des trépieds qui me permettent d'éclairer la plupart de mes sujets de façon très convenable pour la photo de presse.

U. L'affluence des courriers à vélo est un fait urbain. Aujourd'hui, avec la miniaturisation de l'équipement photographique, serait-il utopique de conjuguer photographie de presse et vélo?

MC. J'y ai souvent pensé! Mais cela serait vraiment compliqué, voire utopique. Primo, il te faut quand-même des flashs et les trépieds pour ces flashs. Trimballer ça en vélo, ça devient un peu moche à la longue. Imagine le ke-kling ke-klang que ça ferait, toi qui n'aime pas le squick-squick de la chaîne que seul un labrador peut percevoir, tu capoterais. Secundo, parfois il faut aller se procurer une lentille de deux tonnes dans notre coffre-fort pour aller couvrir un événement, généralement sportif, qui nécessite une lentille téléphoto. Faire le rickshaw pour une 400 mm 2.8, déjà là je commence à moins tripper.
Tertio, aller photographier monsieur le premier ministre dans une conférence impromptue au Reine-Élisabeth avec son odeur corporelle rebutante dûe au pédalage lors d'une chaude journée de juillet, sa jambe de pantalon droite rebroussée aux confins de sa chaussette et cette sacrée trace de graisse à chaîne que l'on ne sait guère comment elle fait pour toujours se faufiler là au beau milieu du front sans avertissement, bref, souris autant que tu veux, le grand monsieur à la porte du chi-chic hôtel va certainement t'en refuser l'accès. J'allais également oubllier de mentionner l'affectation de dernière minute à 174 kilomètres d'ici qui doit être faite dans une heure (mais pogne pas de ticket là, dixit le boss...), t'as beau avoir le dernier Vivace monté Dura Ace avec des roues Cosmic, je mets un petit deux que tu ne te rendras pas à temps. Cette idée ne tient la route que si tu fais certaines assignations assez simples qui ne nécessitent pas trop de matériel ni de distances lointaines. Malgré la miniaturisation du matériel, il reste que pour faire ce que l'on fait tu as besoin d'une base de matériel qui ne rétrécira pas vraiment: un flash, un trépied, une longue lentille, etc. C'est donc impensable. Malheureusement. Ce serait pensable pour un photographe/artiste/poète qui vogue de projet personnel en projet personnel, genre!

U. Le désir de faire de la photo de presse te vient d'où?

MC. Un jour d'été de 1994 je me promenais sur le plateau et j'ai vu les fêtards de la coupe du monde de soccer, ceux du Brésil plus précisément, danser et chanter, jouer du tam-tam tout en bloquant les rues. J'ai commencé à faire des photos car cela m'interpellait; une autre culture, la bonne musique, la joie intense. J'ai tellement aimé l'expérience que je voulais absolument revivre le rush d'un tel événement. Je me demandais par contre s'il existait un domaine qui m'amènerait à faire de telles photos tout en étant apte à bien gagner ma vie, je ne saisissais pas trop à ce moment tous les aspects de la photo.
J'ai éventuellement fait le lien avec la photo de presse et je suis allé faire de la photo bénévolement pour tous les journaux étudiants de Concordia, il y en avait 4 à ce moment-là. Je me suis ensuite inscrit en photo à Dawson. Et à ma deuxième année, j'ai eu la chance ultime de recevoir un coup de fil de La Presse qui avait grandement besoin d'un coup de main. Ils étaient dans la chnoutte faut dire pour m'appeler! Moi qui avais 23 ans et pas vraiment toutes mes dents, photographiquement parlé bien entendu. Mais faut croire que je cadrais dans le portrait (oui oui, c'est un mauvais jeu de mots) car ils m'ont gardé! Et ça fait exactement 12 ans ce mois-ci.

U. Tu voyages beaucoup, l'Inde, la Bulgarie... Où encore?

MC. J'ai été plusieurs fois à Cuba, j'ai également été quelques fois au Mexique, au Vénézuela, plusieurs fois en Europe (11 pays d'Europe en tout), puis j'ai même eu la chance d'aller au-delà du cercle arctique, tout près du pôle nord. Puis, comme tu dis, l'Inde deux fois, la Bulgarie et bien entendu, l'Italie, pour le vélo!

U. Ton voyage en Inde t'a certainement marqué. Cela a-t-il changé ta prise de vue, autant technique qu'idéologique?

MC. Bien simplement non, mon oeil photographique n'a pas changé en Inde. Mais par contre ma vision du monde a changé, ma vision de la vie et de sa fragilité. Ayant côtoyé la vraie misère humaine, je suis plus sensible qu'avant au sort des plus démunis. Je pose de petits gestes quotidiens comme gaspiller moins d'eau, recycler, économiser de l'électricité et jeter le moins de nourriture possible. Imagine te promener dans un bidonville puant en Inde, il fait 45 degrés celsius et que d'aucune façon tu ne peux te procurer un verre d'eau potable. Et nous, on garroche de l'eau potable sur nos pelouses, nos gros chars, nos entrées d'asphalte, puis on fait même nos besoins dans de l'eau qui est buvable. Quelle injustice!

U. Tu as fait des expositions de ce voyage. As-tu fait d'autres expositions?

MC. Oui, j'en ai une qui a eu lieu récemment, une mini expo d'un jour sur mes photos de spéléologie dans les grottes du Mexique, une exposition organisée par la société québécoise de spéléologie. Puis j'ai eu des photos dans plusieurs expositions communes de photos de presse, sur le verglas, sur les meilleures photos de presse lors d'un concours annuel, lors du festival de Jazz et j'en oublie peut-être une.

U. Fais-tu des études personnelles, des recherches photographiques, des oeuvres à toi?

MC. Là, je file un peu mal mais la réponse c'est non. Auparavant, il y a de cela bien des années, j'en faisais en dehors de mes heures de travail lorsque j'avais un peu plus de temps libre. Mais aujourd'hui, je ne fais pas vraiment de photo à part mon travail. Bien évidemment je prends plusieurs photos de ma fille qui a 13 mois, mais en ce qui concerne des projets personnels, le temps est une denrée très rare lorsqu'on a un jeune enfant. Puis pour moi, c'est aussi une question de ce que j'appelle "rester frais". J'ai besoin de prendre une distance afin de mieux revenir la semaine suivante et continuer à pratiquer mon métier avec ferveur. Par contre, à ma défense, lorsque je voyage je redeviens le jeune photographe ébahi devant l'éternel, devant de nouveaux paysages, devant d'autres gens et je m'adonne à ce plaisir qui m'a amené initialement à la photo. C'est toujours réconfortant d'ailleurs.

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Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste (1)

Voir et lire le blogue de Martin Chamberland
http://martinchamberland.wordpress.com/

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