mercredi 19 mai 2010

Pourquoi aller se foutre dans le trafic?


artist: Blu
location: Lambrate Rail Station, Milan, Italy
images by Porpora60


Comme aurait pu dire avec délicatesse Foglia : « Pourquoi aller se foutre dans le trafic? ».
À mon sens, un des gros problèmes de nos comportements en vélo, c'est que l'on pense comme des automobilistes. On établit nos trajets selon ce qu'on a toujours appris, puisque nous vivons sur un continent à la philosophie exclusivement automobile.

Le "Slow Bike" essaie justement de proposer une autre façon de penser, de faire en sorte que le déplacement cycliste ait sa propre philosophie, sa propre démarche. Le "Slow Bike" n'est pas synonyme de lenteur, mais d'approche cycliste. C'est une autre vision des choses. Tout comme le "Slow Food", qui ne veut pas dire de manger lentement, mais de penser à ce que l'on mange et surtout de l'apprécier et d'enrichir sa qualité de vie, le "Slow Bike" repense le vélo en fonction de soit, de la qualité du trajet et du bien-être que ce déplacement doit nous procurer.

Il y a toujours un chemin alternatif plus agréable, moins stressant et, évidemment, plus sécuritaire.
Bien sûr, en ville c'est plus facile. Il y a tellement d'alternatives. À la campagne c'est moins évident, surtout dans nos régions où les petites routes ne sont pas légions. Nous ne sommes pas en Europe où les ramifications routières sont de l'ordre de la toile d'araignée sur l'amphétamine.

Mais, personnellement, j'ai sillonné en moto, durant plusieurs années, la Rive Nord, les Laurentides, la Rive Sud, la Montérégie et même les Cantons de l'Est afin de trouver ma maison de rêve. Et mon jeu était de ne jamais prendre les 112, 116 et autres 117 de la Province. Et c'est possible. Bien sûr, ce n'est pas toujours les chemins les plus directs. Ça rallonge un peu le trajet quelques fois. Mais fait-on du vélo ou du TGV? C'est là aussi que la mentalité automobile trace souvent la mauvaise voie. « Toujours le plus court chemin ». Si on ne veut pas faire de kilomètres en vélo, il ne faut pas faire de vélo, c'est bien plus reposant!

En voiture on détermine son trajet du point A au point B. En vélo on devrait le créer du point A au point Z, car il y a tant de belles lettres à découvrir en chemin!

dimanche 16 mai 2010

Balades du BAC : La virée des ateliers



C'était pourtant mal parti. Journée grise, pluie en après midi, météorologues annonçant encore et encore de la pluie et peut-être même des orages pour la soirée... Il semblait clair que la Balade du BAC de ce vendredi serait annulée. Mais soudainement, vers 19h, le ciel s'est entièrement dégagé et l'appel d'une balade en vélo dans la fraîcheur du soir est devenu si présent que je me suis lancé sur la route. Compte tenu de l'heure avancée, il n'était plus question d'aller rejoindre le point de rendez-vous, mais ayant fait la suggestion d'aller à la "Virée des ateliers", j'ai pensé pouvoir y rencontrer quelques baladeurs du BAC.

Le ciel était magnifique et la ville multicolore dans cette pénombre prénocturne.
Rouler, alors que l'air frais embaumait l'urbanité et que la lumière de l'astre déclinait, était tout simplement extraordinaire, d'autant plus qu'il n'était même pas question, quinze minutes au préalable, que je sorte en vélo ce soir-là. J'avais d'autant plus un sentiment de liberté totale, ce qui me faisait pédaler d'un bon petit rythme constant, sourire aux lèvres. Et même si mon temps était compté, et que je déteste être en retard, le concept du "Slow Bike" a prit alors le dessus, tant ce que je voyais était beau : il a fallu que je m'arrête pour prendre un cliché (et c'est vraiment le cas de le dire) de la ville en lumières.

La "Virée des ateliers" est une excellente initiative basée sur le concept des portes ouvertes. Ainsi, l'édifice Grover de la rue Parthenais, qui regroupe une multitude d'ateliers et de studios d'artistes, s'ouvrait pour quatre jours au public. On y retrouvait : des arts visuels, de la céramique, du design métal, de l'ébénisterie, de la gravure, de l'iconographie, de la joaillerie, de la mode, de la maroquinerie, de la peinture, de la sculpture, du tissage, et du verre. Pfiou! de quoi y passer des heures!

Malheureusement, il ne me restait que très peu de temps. Je suis donc allé voir des amis designers qui se spécialisent dans la confection de présentoirs, d'objets et de meubles en plaques d'acier, K-One. Pour l'occasion, ils avaient installé leur studio en confortable chambre à coucher dont la pièce maîtresse était, évidement, un immense lit de métal et de bois. J'ai trouvé mes deux compères, avachis, se reposant d'une intense journée de portes ouvertes.

Ils m'ont toutefois fait visiter un peu de ce qui restait d'ouvert. J'ai pu entre autre découvrir une artiste, Sylvie Lupien qui, de prime abord, fait des toiles abstraites soigneusement encadrées sous verre. Mais c'est lorsque l'on s'approche de l'image que le réel, brut et simple, se déclare sans artifice car il s'agit non pas de peinture, mais bien de photo. Sous la focale incisive et précise de son appareil, elle capture des images de plaques rouillées, de murs défraîchis et autres détails de surfaces qui nous échappent dans l'ensemble. Elle sait ainsi capté l'abstraction naturelle des choses.

En sortant de cet atelier, moi qui suis devenu complètement réfractaire à la moindre odeur de cigarette, j'ai été happé par une senteur douce et veloutée d'un excellent tabac de pipe. Elle appartenait à nulle autre que Dominique Engel, créateur patenteux s'il en est. Cet homme d'âge respectable, au faciès illustrant un certain vécu, sorte de Plume Latraverse du bricolage artistique, nous apostrophe en remarquant quelques points précis de nos propos. Il nous apporte alors son point de vue sur le traitement de surface d'un métal afin que celui-ci ne puisse plus s'oxyder. À n'en pas douter, Engel a une longue expérience de la question.

Une étrange et passionnante discussion s'entame alors en plein couloir. Le bonhomme s'exprime avec soin et précision tout en jurant sporadiquement et toussant de temps à autre, enfumé selon l'intensité de ses propos. Il nous captive et nous séduit complètement. Il nous raconte qu'il a aussi fait de la télévision. Je me suis alors souvenu l'avoir vu dans une série d'émissions de défi de bricolage à Ztélé : La Patente.

La virée des ateliers étant maintenant fermée pour la soirée, j'ai laissé mes amis rentrer chez eux et j'ai repris mon fidèle vélo pour me diriger, à travers les petites rues tranquilles du Plateau, vers la galerie Articule où se donnait ce soir-là, la finale de l'exposition "Hospitalité 2 : peu à peu, une vue d’ensemble". Il s'agissait d'une performance. Mais je suis arrivée après les faits. Il restait pas mal de monde et j'ai pu parler avec l'une des artistes de la soirée, Claudia Fancello.
Elle paraissait très contente de son expérience. Les initiateurs de la série d'expositions "Hospitalité", Sylvie Lachance et Richard Ducharme étaient eux aussi de la partie.
Soudainement, sous l'égide de Claudia, qui est également danseuse et chorégraphe, Richard Ducharme s'est essayé à une forme de "Brake Dance". Belle performance spontanée! De quoi donner des leçons aux jeunes timides que nous semblions être alors.

La soirée s'est poursuivie et terminée au Billy Kun. Par chance, je dirais, car en sortant de là, nous nous sommes aperçus qu'il avait finalement plu. En fait, il y avait de sévères orages, mais nous n'avons ni entendu ni vu quoi que ce soit.

Mon retour s'est fait dans un calme d'après pluie, et j'ai béni mes garde-boues, qui faisant en sorte que je n'apercevais même pas du degré de détrempage de l'asphalte.

Somme toute, une soirée complètement improvisée. Mais n'est-ce pas là l'essence même des balades du BAC?


photos : Alec
photo de l'Édifice Grover : www.culturemontreal.ca
photo de Dominique Engel : AlienTv.org

mercredi 12 mai 2010

Balades du BAC : Résonances numériques

Montréal regorge d'activités culturelles, certaines très médiatisées, d'autres beaucoup plus "underground". Jusque-là, rien de très différent des grandes métropoles comme Berlin, Londres, New York et tant d'autres. Mais ce qui pourrait différencier Montréal de toutes ces grandes villes foisonnantes d'art et de culture, c'est le numérique.
Montréal est devenu sans conteste la capitale de l'imagerie numérique et du son électronique. "Capitale Mondiale" ont dit certains. Tant mieux!
Avec, entre autres, ses festivals Mutek (musique) et Elektra (audio-visuel), ses entreprises d'animation numérique pour le cinéma ou la télévision, ses créations de logiciels et de jeux vidéo, ses essaims de programmeurs d'applications pour iPod, iPhone et iPad, Montréal s'est placé à l'avant-scène de l'image et du son de synthèse.

À la dernière Balade du BAC (Bicycles, Art et Culture), Sylvie Laplante nous a emmenés à l'Usine C, l'un des hauts lieux de représentation du festival Elektra, onzième édition.
Arrivés dans cette ancienne usine restaurée en centre multi-artistique, dont on a conservé l'emblématique cheminée de briques rouges, nous sommes entrés dans la grande salle principale, sorte d'immense hangar de béton et d'acier plongé dans une relative noirceur cérémoniale, dominée par un non moins gigantesque écran blanc lumineux couvrant l'ensemble du quatrième mur.

Là nous attendait Blake Carrington (non, non, rien à voir avec Dynasty, heureusement!!) au séquenceur et analyseur vidéo-numérique. Dans un grondement synthétique profond, simulant les sonoritées de grandes orgues, une image radiographique et fantomatique d'un plan architectural d'une cathédrale gothique s'est progressivement affichée, structurée, déstructurée, tout en noir sur cet écran blanc envahissant. Le plan cathédrale se faisait balayer, analyser, scanner horizontalement, générant ainsi des sons et des fréquences, suivant le canevas même de son dessin. Plus les structures étaient massives, plus les sons se faisaient amples, graves et forts. Par variation de filtres et d'oscillation, Blake Carrington se servait de l'image évanescente pour générer un thème musical monocorde et pourtant polyphonique, fait d'infra-basses et de sur-aiguës, absolument hypnotisant.

C'est alors que tout le sacré d'une cathédrale, tout le mystique du gothique, tout le "magnificat" du numérique s'est imposé dans toute la salle de l'Usine C et certainement aussi dans les esprits des gens présents. On se serait cru dans une des scènes de 1984, lorsque le visage de Big Brother, démesurément projeté sur grand écran, illumine les nombreux regards éberlués et blafards de l'assistance. C'était véritablement envoûtant, épeurant et magnifique à la fois!

Suite à cette performance, il nous a été proposé plusieurs projections numériques des plus folles et captivantes. Je n'avais jamais vu de traitements numériques aussi avancés et créatifs, bien au-delà de ce qu'Hollywood peut générer en termes d'images de synthèse et d'effets spéciaux. Mais je laisse Sylvie Laflame, dans son article "Balades du BAC : ELEKTRA II" mieux nous expliquer la nature de ses projections et qui sont les artistes qui ont créé ses oeuvres.

Reprenant nos vélos, nous nous sommes laissé pour la soirée sur ses images impressionnantes dans tous les sens du terme.
La fin de soirée était plus que fraîche, mais après cette expérience audio-visuelle, je me suis senti comme un microprocesseur à qui on offre un vent de fraîcheur pour mieux fonctionner.
C'est alors qu'en pédalant sur le chemin du retour, je me suis aperçu que je ne regardais plus les choses de la même façon. Les couleurs, les formes, les sons, tout me semblait pouvoir maintenant s'intégrer numériquement à ce que je venais de voir et de vivre.

En m'engageant sur le pont Jacques Cartier, les ombres portées des milliers de barreaux du garde-fou, ainsi que les massives structures du pont sont devenues autant de séquences rythmiques visuelles et sonores, autant de fréquences et d'harmoniques composant une sorte de "loop" cadencé. On aurait pu filmer cette enfilade métallique à perte de vue tel une partition binaire et y faire correspondre des sons numériques engendrés par les intervalles lumineux que ces barres grises sur fond de nuit transmettaient. La fréquence et la couleur de l'éclairage au tungstène y étaient aussi pour quelque choses. Peut-être était-ce aussi dû à mon état de fatigue ce soir-là, au rythme régulier de pédalage sur ce long trajet de piste cyclable surplombant l'eau, a l'oxygénation et à la résonance de ce que venait de voir et d'entendre, mais cette traversée du fleuve fut littéralement... numérique!

- Photos : Alec
- Image du film 1984 (Nineteen Eighty-Four) film britannique réalisé par Michael Radford en 1984 d'après le roman de George Orwell (1948)
- Image de Inject v.02 de
Herman Kolgen, présenté au Festival Elektra II, image tirée du site de l'artiste.

lundi 10 mai 2010

Balades du BAC : ELEKTRA II

Le BAC se ramasse devant le théâtre Outremont. Pas chaud ce soir… La flemme nous tente. Facile, un chocolat chaud juste de l’autre côté de la rue, s’écraser... On opte pour la Croissanterie sur Fairmont/Hutchison mais c’est plein. On ajuste. Le pot, on va le prendre à l’Usine C et au Festival International Arts Numériques IIe édition – ELEKTRA II. L’événement a lieu du 5 au 9 mai cette année. De toute façon, moi je dis que c’était déjà dans le bac…

L’évènement qui a lieu dans différents lieux à Montréal, propose une sélection de créations contemporaines récentes : performances audiovisuelles, installations interactives, projections vidéo, expérimentations numériques, diverses formes de manipulation, de distorsion, de rendu de laboratoire, d’une trentaine d’artistes locaux et internationaux de la culture numérique. ELEKTRA a remporté cette année, ex-aequo avec le festival MUTEK, le 25e Grand Prix du Conseil des Arts et des arts de Montréal - catégorie arts numériques.

Le 7 au soir, on nous propose 4 performances audio-visuelles en salle :

CATHEDRAL SCAN [US]
Blake Carrington

Sur l’écran géant, que Blake Carrington manipule à son tableau de bord, comme un blue print : les plans superposés de trois cathédrales gothiques. Le son est émis en se frottant à l’image, effet de scanneur qui balaie à rythmes soutenu le plan qui active en temps réel une série de boucles sonores modulaires. Émerge alors une architecture musicale continue qui se dessine au fur et à mesure des variantes et des schémas. Qu’est-ce qui génère quoi, le son ou l’image ?

www.blakecarrington.org
www.perte-de-signal.org

VOX HUMANA [FR],
Raphaël Thibault, Hyun-hwa Cho

Orgue, vidéo, dispositif électronique concocté à même l'église St-Eustache de Paris. Les organismes IRGAM et Le Fresnoy ont uni l’artiste multidisciplinaire Raphaël Thibault et la compositrice Hyun-hwa Cho. Danse contemporaine, animation 3D et partition musicale. Des corps confrontés à des lieux mutants.

www.raphael-thibault.com
www.lefresnoy.net
www.ircam.fr

DONJON [FR-QC-CA]
Jean-Michel Dumas, Cécile Babiole

La matière visuelle : objets 3D minimalistes, d’esthétique des années 80, et de la culture domestique : voiture, moto, tondeuse à gazon, tourne-disque, blender, poulets à frire, guitares.. C’est une confrontation de sons générés par ces éléments visuels qui se déconstruisent et se reconfigurent. Les manipulateurs à vue, ont encaissé des lignes sonores de cordes de guitares et de synthés.

www.babiole.net
www.jmdumas.org

INJECT V.02 [QC-CA]
Herman Kolgen

45 minutes de macération d’un corps immergé. Les effets du liquide, les transformations, les jus biologiques en jeu, on assiste à la mise en pot d’un corps confit.

www.kolgen.net/nuevo

lundi 3 mai 2010

Le vieil hollandais et le jeunot performant


photo : Alec

Le vieil hollandais et le jeunot performant
par Alec Stephani - Texte paru dans le magazine VéloMag
mai 2010

— Oh! Je vois qu’il tiens à toi.
— Comment ça?
— Avec un tel cadenas, il y a peu de chance que tu te fasses voler. Tu a l’air d’un forçat d’Alcatraz avec une chaîne d'ancre de bateau.
— On dit ça, mais je ne suis pas à l’abrit de l’énervé qui s’essaie quand même et qui va tout me grafigner. Toi, au moins, …tu ne paye pas de mine!
— Merci pour le compliment! J’ai l’air d’une réguine ou quoi?
— Non, non, mais t’es plutôt discret dans ton genre.
— C’est vrai qu’avec ton rouge flamboyant, tu es plutôt visible, voire un peu risible.
— Hey! Reste poli.
— Regarde-toi, tu es comme une Ferrari dans une ruelle. Tu ne trouves pas que tu fais un peu tache dans le décor?
— Tache toi-même!
— Ok, ok. Je te niaise. T’es beau quand même! Mais je suis sûr que ton propriétaire doit être plus nerveux à t’utiliser.
— Peut-être, mais il m’a choisi pour mes performances. Il m’utilise tous les jours!
— Moi aussi, tu saura. Et certainement plus facilement que toi.
— Pourquoi tu dis ça?
— Parce qu’il n’a pas besoins de passer dix minutes à réfléchir où il va m’accrocher.
— Mouais! Mais n’empêche que c’est la preuve qu’il prend soin de moi. C’était quand la dernière fois qu’il t’a lavé, graissé et ajusté?
— Ok, ok! Je ne m’en souviens plus. Mais je ne suis pas facilement déréglable.
— Normale, tu n’a pas besoin de « locktight », la rouille fait la job!