lundi 27 avril 2009

Projet "ArtBike" - 2




Projet "ArtBike" - 2

J'avoue que contrairement à mes toiles, sur lesquelles je me lance allègrement et sans retenue, j'ai longuement hésité à poser le premier coup de pinceau sur ce cadre de vélo immaculé, couvert d'un apprêt blanc.
Je savais que la réaction de la surface serait différente, ainsi que la réaction même du médium. La peinture de carrosserie est très différente de l'acrylique. L'acrylique sèche de couche en couche. La peinture de carrosserie fait fondre les couches précédentes.
Ce n'est évidemment pas la même dynamique de mouvements que sur une toile. Et il faut penser en trois dimensions.
De plus, comme il s'agit d'un cadre en carbone monocoque de compétition, un cadre haut de gamme, il y avait le risque d'échouer. Il fallait que je me lance, que je découvre, et en même temps assurer un résultat.

Je sais maintenant à quoi m'en tenir. Je suis relativement satisfait de cette première expérience. Relativement car, en tant qu'artiste, étant constamment en recherche, j'ai du mal à me dire que l'oeuvre est achevée. Pas que ce cadre soit inachevé, mais il s'agît du point de départ d'un processus.
Il reste maintenant à le rapporter à l'atelier de peinture pour qu'il reçoive une couche de vernis, ainsi que son écusson Opus.
Pour l'information géométrique, il s'agit d'un cadre de 55 cm tube horizontal, 52 cm tube de selle centre à centre, et 56 cm centre à top. 700C Carbone High-Modulus, fini 12k.

J'ai un autre cadre préparé pour une seconde expérience. Toujours un cadre en carbone monocoque. Il est différent de formes. Cette fois-ci avec fourche tout carbone. Il y a donc une continuité visuelle à développer.
La beauté du monocoque carbone, hormis ses qualités techniques, sa légèreté, sa rigidité et ses performances, est qu'il n'y a pas de soudure et donc, les intersections des tubes sont fluides.

Par contre, le point négatif est que le solvant de la peinture de carrosserie produit des gaz volatils forts. Donc, plus question de faire cela à la maison, mais plutôt dans un environnement contrôlé et ventilé.

Projet "ArtBike"

mardi 21 avril 2009

Toulouse-Lautrec n'est pas une étape du tour de France!


Louis Bouglé, ami de l'artiste, cycliste sous le nom de L. B. Spoke, directeur de "Simpson" pour la France
Toulouse-Lautrec

1898 (huile sur bois)

Toulouse-Lautrec n'est pas une étape du tour de France!

C'est l'écrivain et humoriste Tristan Bernard, devenu directeur du vélodrome Buffalo à Paris, qui fit découvrir le cyclisme au peintre Henri de Toulouse-Lautrec. Ce dernier fût immédiatement fasciné par la petite reine et le cyclisme en général.

C'est avec son ami Louis Bouglé qu'il fit ses premières armes vélocipédique.
Louis Bouglé, pour sa part, était coureur, entraîneur et chroniqueur sous le pseudonyme de L.B. Spoke, directeur en France des chaînes de vélo anglaises "Simpson". C'est lui qui commanda à Toulouse-Lautrec, en 1896, cette affiche faisant la promotion de la chaîne Simpson. Bouglé était amateur d'art et supportait volontiers, à contre-courant, ce nouveau mouvement pictural que Toulouse-Lautrec abordait.

vendredi 17 avril 2009

Néoclassicisme


Opus Classico 09
photo : Marc Dussault
On peut dessiner un vélo très classique. On peut dessiner un vélo très moderne. Le jeu ici est d'allier le classique avec le moderne, d'allier le style avec la technologie.
Le néoclassicisme est un exercice de style passionnant pour un designer. C'est redessiner un style ancien et l'interpréter dans le contemporain, avec le savoir-faire et les matériaux actuels.

À l'instar des Volkswagen Beetle, Mini, Fiat 500 et autres réécritures des beautés d'antan, les vélos Urbanista s'inscrivent dans une récente tradition de réflexion sur ce qui a été fait, sa raison d'être et sa possibilité de perdurer.

Il ne suffit pas de redessiner et d'épurer les formes. Certes il y a un certain travail d'abstraction de l'image pour en trouver l'essentiel, la nature profonde, la raison même de son existence, mais il y a aussi une déclaration d'intention claire : si c'était bien, cela peut continuer à être bien.
Bien sûr, nous faisons les choses différemment aujourd'hui. « C'était mieux fait avant ». Ce n'est pas toujours vrai. Les matériaux se sont grandement améliorés, la précision de moulage, d'usinage, de soudage, de traitements thermiques, chimiques et autres aussi. Sans compter les matériaux recyclables et/ou recyclés.

D'autres diront que cela est du "réchauffé", que par manque d'idées on va puiser dans le passé. En fait s'il y a quelque chose de fondamentale que l'on va puiser dans le passé c'est l'émotion. Dans notre monde actuel, il y a beaucoup de désillusion, beaucoup de cynisme. À une certaine époque, il y avait l'idée d'un monde peut-être utopique, trop optimiste, mais qui était vecteur de créativité. Or cette créativité n'a pas disparu. Elle est effervescente, et si à elle seule, elle peut améliorer notre perception de notre environnement, alors il vaut la peine de faire cet exercice de mémoire, mais adapté au fait du jour. Voilà la raison d'être du néoclassicisme.

mardi 14 avril 2009

Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste (suite)



...Suite de l'entrevue avec Martin Chamberland

U. Ta relation avec ce sport modifie-t-elle ta prise de vue?

MC. Je crois que non. Ma prise de vue a le plus été affectée par le cinéma car avant de faire de la photo j'étudiais en cinéma, je voulais devenir directeur photo. J'aime les photos à haut contraste et à éclairage dramatique. Par contre, lorsque je photographie une course de vélo, le fait de pratiquer ce sport m'aide à mieux gérer la prise de vue durant une course.

U. Tu as déjà roulé sur un Opus, un Toccata 2001 si je me souviens bien. Roules-tu encore avec?

MC. Malheureusement je ne roule plus avec depuis l'an passé car je l'ai prêté à un cousin, je tente de le corrompre également afin qu'il devienne un des nôtres. Tu sais, pour les vampires c'est simple, ils mordent dans le cou pour qu'une autre personne devienne un vampire. Nous les cyclistes on doit prêter des vélos, des cuissards, des souliers, des casques, des bidons puis ultimement, du savoir. Le savoir qui transformera le néophyte en rouleur. Pas de la tarte je te dis. Mais il faut le faire car un cycliste c'est généralement une bonne personne... puis plus on est de bonnes personnes sur la Terre et mieux les choses iront! Donc pour le Toccata, je crois que je vais le revoir lorsque mon cousin aura eu sa morsure afin qu'il se procure lui-même sa monture. Je laisse le temps faire les choses. Je reverrai mon Toccata. Il est vraiment confortable ce vélo, c'est pas croyable!

U. Sur quel vélo roule-tu actuellement?

MC. Je roule actuellement sur un Specialized Tarmac 2008.

U. Fais-tu de la compétition?

MC. J'y ai trempé le petit orteil de la patte gauche, j'ai fait quelques courses. Mais je ne suis pas fait pour cela. Il me manque de la force et je ne crois pas avoir le profil psychologique pour réussir en compétition de vélo de course. Et je ne m'en porte pas plus mal car mon but maintenant est de me tenir en forme. Ça, je réussis à le faire pleinement. Puis pour faire de la course, il faut s'entraîner énormément, chose qui est absolument impossible maintenant pour moi depuis que j'ai un enfant.

U. Tu es un cycliste de route. Es-tu aussi cycliste urbain à l'occasion?

MC. Non je ne le suis pas; je n'habite pas en ville, ce qui voudrait dire que pour l'être il faudrait que je me déplace 45 minutes à vélo afin de l'être. Mais j'ai souvent fait des rêves éveillés que si j'habitais en ville, je me déplacerais uniquement à vélo de café en café ou d'un rendez-vous à l'autre.

U. Tu es un photographe mobile. As-tu aussi un studio?

MC. Non je n'ai pas de studio car cette facette de la photographie m'interpelle moins. Mais j'ai à portée de main quelques flashs et des trépieds qui me permettent d'éclairer la plupart de mes sujets de façon très convenable pour la photo de presse.

U. L'affluence des courriers à vélo est un fait urbain. Aujourd'hui, avec la miniaturisation de l'équipement photographique, serait-il utopique de conjuguer photographie de presse et vélo?

MC. J'y ai souvent pensé! Mais cela serait vraiment compliqué, voire utopique. Primo, il te faut quand-même des flashs et les trépieds pour ces flashs. Trimballer ça en vélo, ça devient un peu moche à la longue. Imagine le ke-kling ke-klang que ça ferait, toi qui n'aime pas le squick-squick de la chaîne que seul un labrador peut percevoir, tu capoterais. Secundo, parfois il faut aller se procurer une lentille de deux tonnes dans notre coffre-fort pour aller couvrir un événement, généralement sportif, qui nécessite une lentille téléphoto. Faire le rickshaw pour une 400 mm 2.8, déjà là je commence à moins tripper.
Tertio, aller photographier monsieur le premier ministre dans une conférence impromptue au Reine-Élisabeth avec son odeur corporelle rebutante dûe au pédalage lors d'une chaude journée de juillet, sa jambe de pantalon droite rebroussée aux confins de sa chaussette et cette sacrée trace de graisse à chaîne que l'on ne sait guère comment elle fait pour toujours se faufiler là au beau milieu du front sans avertissement, bref, souris autant que tu veux, le grand monsieur à la porte du chi-chic hôtel va certainement t'en refuser l'accès. J'allais également oubllier de mentionner l'affectation de dernière minute à 174 kilomètres d'ici qui doit être faite dans une heure (mais pogne pas de ticket là, dixit le boss...), t'as beau avoir le dernier Vivace monté Dura Ace avec des roues Cosmic, je mets un petit deux que tu ne te rendras pas à temps. Cette idée ne tient la route que si tu fais certaines assignations assez simples qui ne nécessitent pas trop de matériel ni de distances lointaines. Malgré la miniaturisation du matériel, il reste que pour faire ce que l'on fait tu as besoin d'une base de matériel qui ne rétrécira pas vraiment: un flash, un trépied, une longue lentille, etc. C'est donc impensable. Malheureusement. Ce serait pensable pour un photographe/artiste/poète qui vogue de projet personnel en projet personnel, genre!

U. Le désir de faire de la photo de presse te vient d'où?

MC. Un jour d'été de 1994 je me promenais sur le plateau et j'ai vu les fêtards de la coupe du monde de soccer, ceux du Brésil plus précisément, danser et chanter, jouer du tam-tam tout en bloquant les rues. J'ai commencé à faire des photos car cela m'interpellait; une autre culture, la bonne musique, la joie intense. J'ai tellement aimé l'expérience que je voulais absolument revivre le rush d'un tel événement. Je me demandais par contre s'il existait un domaine qui m'amènerait à faire de telles photos tout en étant apte à bien gagner ma vie, je ne saisissais pas trop à ce moment tous les aspects de la photo.
J'ai éventuellement fait le lien avec la photo de presse et je suis allé faire de la photo bénévolement pour tous les journaux étudiants de Concordia, il y en avait 4 à ce moment-là. Je me suis ensuite inscrit en photo à Dawson. Et à ma deuxième année, j'ai eu la chance ultime de recevoir un coup de fil de La Presse qui avait grandement besoin d'un coup de main. Ils étaient dans la chnoutte faut dire pour m'appeler! Moi qui avais 23 ans et pas vraiment toutes mes dents, photographiquement parlé bien entendu. Mais faut croire que je cadrais dans le portrait (oui oui, c'est un mauvais jeu de mots) car ils m'ont gardé! Et ça fait exactement 12 ans ce mois-ci.

U. Tu voyages beaucoup, l'Inde, la Bulgarie... Où encore?

MC. J'ai été plusieurs fois à Cuba, j'ai également été quelques fois au Mexique, au Vénézuela, plusieurs fois en Europe (11 pays d'Europe en tout), puis j'ai même eu la chance d'aller au-delà du cercle arctique, tout près du pôle nord. Puis, comme tu dis, l'Inde deux fois, la Bulgarie et bien entendu, l'Italie, pour le vélo!

U. Ton voyage en Inde t'a certainement marqué. Cela a-t-il changé ta prise de vue, autant technique qu'idéologique?

MC. Bien simplement non, mon oeil photographique n'a pas changé en Inde. Mais par contre ma vision du monde a changé, ma vision de la vie et de sa fragilité. Ayant côtoyé la vraie misère humaine, je suis plus sensible qu'avant au sort des plus démunis. Je pose de petits gestes quotidiens comme gaspiller moins d'eau, recycler, économiser de l'électricité et jeter le moins de nourriture possible. Imagine te promener dans un bidonville puant en Inde, il fait 45 degrés celsius et que d'aucune façon tu ne peux te procurer un verre d'eau potable. Et nous, on garroche de l'eau potable sur nos pelouses, nos gros chars, nos entrées d'asphalte, puis on fait même nos besoins dans de l'eau qui est buvable. Quelle injustice!

U. Tu as fait des expositions de ce voyage. As-tu fait d'autres expositions?

MC. Oui, j'en ai une qui a eu lieu récemment, une mini expo d'un jour sur mes photos de spéléologie dans les grottes du Mexique, une exposition organisée par la société québécoise de spéléologie. Puis j'ai eu des photos dans plusieurs expositions communes de photos de presse, sur le verglas, sur les meilleures photos de presse lors d'un concours annuel, lors du festival de Jazz et j'en oublie peut-être une.

U. Fais-tu des études personnelles, des recherches photographiques, des oeuvres à toi?

MC. Là, je file un peu mal mais la réponse c'est non. Auparavant, il y a de cela bien des années, j'en faisais en dehors de mes heures de travail lorsque j'avais un peu plus de temps libre. Mais aujourd'hui, je ne fais pas vraiment de photo à part mon travail. Bien évidemment je prends plusieurs photos de ma fille qui a 13 mois, mais en ce qui concerne des projets personnels, le temps est une denrée très rare lorsqu'on a un jeune enfant. Puis pour moi, c'est aussi une question de ce que j'appelle "rester frais". J'ai besoin de prendre une distance afin de mieux revenir la semaine suivante et continuer à pratiquer mon métier avec ferveur. Par contre, à ma défense, lorsque je voyage je redeviens le jeune photographe ébahi devant l'éternel, devant de nouveaux paysages, devant d'autres gens et je m'adonne à ce plaisir qui m'a amené initialement à la photo. C'est toujours réconfortant d'ailleurs.

...Lire le début de l'entrevue
Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste (1)

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http://martinchamberland.wordpress.com/

lundi 13 avril 2009

Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste


Jeune femme qui tisse un tapis au Cachemire
Winners of the 3rd annual Friends of the Earth International photo competition
4e place


Martin Chamberland est photographe de presse et cycliste passionné. Si une image vaut mille mots, encore faut-il savoir faire parler les images. Et là, le regard particulier de Martin fait la différence lorsqu'il s'agit d'appuyer au bon moment sur le déclencheur de son appareil. Le photographe de presse vit dans l'instant présent et c'est justement la captation de cet instant qui est à la base même de son métier. Savoir voir les choses sous un angle différent, faire ressortir l'âme d'une personne, ou le détail qui nous échappe. Ou encore nous montrer l'habituel de façon inhabituel afin de nous révéler, en quelque sorte, le vrai visage de notre monde.
Rouler en vélo relève aussi du moment présent. En tout cas, de la façon dont Martin aborde le cyclisme, c'est une passion qui va bien au delà de la simple randonnée.

U. Si tu faisais un rapide autoportrait professionnel, pour commencer.

MC. J'ai débuté à La Presse en avril 1997 (oui oui, en film!) à temps partiel. J'ai ensuite commencé au journal Le Devoir environ un an après cela. J'y ai travaillé deux ans. À peu près en même temps j'ai été à La Presse Canadienne. Je jonglais avec les trois en même temps, parfois dans la même journée! J'ai arrêté ce cirque fou lorsque La Presse m'a embauché à temps plein en novembre 2000.

U. On parle de "l'oeil du photographe" comme la signature même du capteur d'images. Dans ton cas, il va sans dire, il est particulier et remarqué par les nombreuses personnes qui t'engagent. Tu as une approche personnelle pour traiter les sujets. Comment vois-tu les choses qui t'entourent?

MC. L'oeil du photographe, le regard si on veut, est différent à chaque photographe. C'est normal, cela va sans dire et c'est ainsi pour tout, que ce soit l'écriture, la peinture, etc. Mon regard est toujours à la recherche des contrastes, de la lumière, des couleurs et des angles. Je cherche toujours à faire une photo percutante, qui attire le regard du lecteur. Depuis que je suis photographe je suis beaucoup plus observateur de la lumière qui m'entoure, je la remarque presque à chaque étape de la journée, au fil des mois et des saisons. Mais en bout de ligne, je veux que l'impact visuel puisse incorporer le plus de ces éléments afin de rehausser le contenu de la photo.

U. Comment conjugues-tu la vision personnelle d'un sujet et la commande neutre journalistique de l'image?

MC. C'est quelque chose qui se travaille au fil du temps et je crois pouvoir affirmer avec justesse que je réussis bien en ce domaine. Lorsque le sujet que je traite est contraire à mes convictions personnelles, je tente de me visualiser être cette autre personne, ce qu'elle pense, ce qu'elle vit à ce moment précis, pourquoi elle pense et agit ainsi. Je tente de me mettre dans ses souliers et cela m'aide à rester neutre. C'est mon truc à moi, je n'ai pas sondé mes collègues sur la chose.

U. La photo se doit-elle d'être neutre? Peut-elle l'être?

MC. Nous devons tous être conscients, en tant que photographes de presse, que nous avons le devoir de rester le plus neutre possible. Et en ce sens, je crois que nous réussissons toujours à atteindre ce but car notre premier devoir est de chercher à faire une photo qui colle avec l'histoire que nous couvrons. Par la suite, c'est certain qu'il y aura toujours quelqu'un pour débattre du fait que notre travail n'est pas tout à fait neutre. Je peux citer plein d'exemples où je me suis retrouvé à couvrir des sujets avec lesquels mon opinion différait grandement, mais l'éthique et la crédibilité que nous possédons à La Presse sont des choses avec lesquelles je ne badine pas.

U. D'ordinaire, je crois, l'article et la photo de presse se produisent en même temps et indépendamment. Mais arrive-t-il qu'une fois la photo présentée et choisie, cette dernière influence la couleur de l'article qui l'accompagne?

MC. C'est très rare. La raison en est fort simple. À La Presse, lorsque nous travaillons, journaliste et photographe vont habituellement chacun de leur bord. Les deux font leur travail presque sans se consulter. C'est pas mal dommage en y pensant bien, mais les choses sont ainsi. Il est donc difficile que le travail de l'un ait une incidence sur le travail de l'autre. Mais j'ai remarqué qu'à chaque fois que j'interrogeais le journaliste afin d'en soutirer le plus d'infos, la photo qui en ressortait se rapportait mieux à l'histoire.

U. Y a-t-il un devoir de réserve en photographie de presse?

MC. Oui il y a un devoir de réserve. Et ce devoir de réserve peut venir du photographe, du journaliste, d'un pupitreur ou d'un patron. Lorsque le sujet peut causer préjudice à la personne interviewée ou à l'histoire qui s'y rattache, il faut faire preuve de prudence. On fait souvent des photos de gens qui ont le dos tourné au photographe afin de ne pas les reconnaître, ou on utilise la technique de l'ombre chinoise, c'est-à-dire de ne voir qu'une silhouette. Il y a aussi le flou qui peut être utilisé. Ce sont d'ailleurs toutes des techniques que j'ai utilisées récemment pour couvrir une histoire d'un enfant qui a subi du harcèlement à l'école comme le jeune David Fortin que l'on ne retrouve plus depuis plusieurs semaines. J'ai sorti tous ces trucs de mon chapeau et j'ai été relativement satisfait du résultat.
Mais si on revient au sujet principal de la question, le devoir de réserve, c'est quelque chose que je fais probablement une fois par semaine. Je ne soumets que les photos que j'aime vraiment, soit pour leur contenu visuel ou pour leur proximité avec l'histoire racontée. C'est vraiment rare que mes patrons me demandent de soumettre de nouvelles photos car celles que j'avais initialement choisies ne leur plaisaient pas. Les patrons ne voient jamais toutes les photos que l'on prend car, en premier lieu, cela prend beaucoup trop de temps. Puis ensuite ils nous font pas mal confiance. Et de plus, le processus de sélection des photos se fait par le photographe dans un bureau à l'écart du reste de la salle de rédaction, ou carrément en dehors de La Presse comme je fais souvent.

U. Y a-t-il des secteurs délimités dans le métier de photographe de presse, ou êtes-vous libre de toucher à tous les sujets?

MC. Bien heureusement nous avons la chance de toucher à une multitude de sujets. C'est ce qui m'intéresse dans la photo de presse car cela nous amène à explorer tous les aspects de la vie humaine, l'humain sous toutes ses coutures.

U. Quels sont tes sujets de prédilection?

MC. La photo de reportage à l'étranger. Les cultures du monde m'intéressent énormément. J'aime aussi la photo de sport. Puis j'aime les reportages de longue haleine, qui nécessitent parfois même une recherche des ressources se rapportant au sujet.

U. Tu as fait une série de photos de Sylvestre Calin, propriétaire de la boutique de vélos Brakeless sur l’avenue Parc, spécialisée en "Fixie" (Vélo à pignons fixe). Quel est ton point de vue de ce mouvement en marche? Et sur le vélo urbain en général?

MC. Premièrement je dois te féliciter pour ton sens de l'observation car moi-même je n'ai toujours pas trouvé cette photo dans le journal, je l'ai manquée! En ce qui concerne les vélos à pignon fixe, je les aime beaucoup et je dois dire que j'aime surtout ce que Sylvestre fait. Il redonne une âme à des vélos qui n'en ont plus à cause des développements technologiques. C'est bien correct d'avoir une usine et de fabriquer 500 000 vélos par année, mais c'est également très beau de voir Sylvestre s'attarder à créer des oeuvres d'art avec ces vieilles bécanes qui autrement seraient vouées à l'abandon dans un sous-sol empoussiéré. J'adore là où est rendu le style urbain, qui semble avoir forgé son style sur celui des courriers à vélo.
Là où je mets un bémol, c'est que je crois que l'utilisation du pignon fixe qui est faite actuellement, relève d'une sorte de mode au détriment de la santé des genoux. Je ne suis pas convaincu que c'est le meilleur outil pour les courriers à vélo. Certains mécanos et propriétaires de boutiques de vélo disent que le pignon fixe finit par blesser les genoux de celui qui l'utilise trop. Mais tu sais, en ce qui me concerne lorsqu'il est question de vélo, je les aime de toutes les façons; route, montagne, piste, BMX, style Amsterdam, beach cruisers, hybride, name it!

U. Tu es également cycliste. À quel niveau?

MC. Je suis un grand passionné du cyclisme. J'aime tellement pratiquer ce sport que je ne saurais vraiment décrire la chose. Ce sport m'a d'ailleurs apporté beaucoup et je ne vois pas le jour où j'arrêterais de le pratiquer. Je fais du vélo de façon sportive une "coche" en dessous de la compétition, si l'on peut dire ainsi. J'ai fait des camps d'entraînement six années de suite en Virginie. Je suis allé rouler deux fois en Italie. J'ai roulé un peu en France, en Irlande, dans plusieurs autres états des États-Unis. Je pratique ce sport ainsi depuis que j'ai 13 ans, cela fait donc 22 ans de cela! Et tout cela est la faute à Steve Bauer. Je regardais la télé un après-midi et je m'ennuyais. Je suis arrivé à syntoniser le canal où l'on diffusait la course des Amériques (j'oublie le nom officiel de cette course qui a duré 5 ans à Montréal), la première édition où Steve avait remporté la course. J'ai tellement été subjugué par ces images, les vélos, la trame dramatique de la course, la façon que les cyclistes roulaient en peloton à travers les rues de Montréal, que je me suis lancé sur mon vélo immédiatement après la course et je me suis mis à rouler à tous les jours.
Je n'ai jamais arrêté depuis. Grâce au vélo j'ai pu faire des rencontres, dont Steve Bauer lui-même, et plusieurs autres, qui aujourd'hui sont des amitiés permanentes. J'ai eu la chance de rouler avec Dom Perras à plusieurs reprises, Dominique Rollin lorsqu'il a été guide en Virginie, toute la gang des mardis Lachine, Marc Dufour, Bruno Langlois, Pascal Choquette, Alexandre Cloutier. En fait il y en a tellement que j'oublie. Puis au-dessus de tout cela, il y a les anecdotes inoubliables, ces histoires, ces paysages que je garderai avec moi tout au long de ma vie avec lesquelles j'embêterai ma fille et peut-être mes petits enfants un jour à leur raconter en détail.

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Martin Chamberland - Photographe de presse et cycliste (suite)

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lundi 6 avril 2009

Premières impressions


photos : Alec
Sac de selle, sacoche et pédales "clipless" Frog Speedplay non inclus.
Le Cervin a des pédales plateforme Wellgo.

Jeudi 2 avril. Enfin une belle journée en perspective. Je me lance sur le long chemin du travail (60 km aller-retour) pour tester en situation réelle, le Cervin. Bien sûr, nous avions abondamment testé le prototype à la fin de l'été 08, dans l'entrepôt et aux alentours. Et les impressions étaient déjà très satisfaisantes. Mais me voici sur le terrain, dans la vraie vie, tel l'amateur de vélo découvrant pour la première fois sa nouvelle monture.

Bon, ok, je ne suis certainement pas des plus objectifs. Que voulez-vous (comme disait l'autre), j'ai un certain parti pris, voire même un parti pris certain pour nos vélos. Mais je voudrais ici partager les impressions et les analyses que l'on fait lorsqu'on développe un vélo. Bien sûr, il s'agit d'impressions d'après conception. C'est-à-dire que les tests les plus critiques, afin de déceler les erreurs et y apporter les améliorations nécessaires, ont déjà été faits durant le processus de réalisation.

D'emblée, ce qui surprend c'est la stabilité du vélo. Nous avons cherché l'équilibre parfait entre la stabilité et la nervosité, afin que le comportement routier soit précis, que le vélo soit facile à conduire et qu'il ait de bonnes et rapides réactions, tout en étant très stable et rassurant pour un cycliste occasionnel. Le large guidon procure encore plus de stabilité, et son élévation redresse le haut du corps offrant une meilleure vue périphérique, ce qui est très important en situation urbaine.

Pour avoir longtemps roulé sur des vélos de route très performants, je me suis surpris à lui trouver des qualités d'accélérations surprenantes. Cela est dû au fait que nous n'avons pas trop allongé les bases, ce qui aide à transférer la puissance de pédalage directement à la roue arrière.

Avec cette maniabilité et ses qualités d'accélérations, cela en fait un vélo vraiment plaisant à rouler. Il est vrai que grâce à son cadre en aluminium et malgré tout son équipement, il ne pèse que 31 livres (14 kg).
Je n'ai jamais été un fervent des manettes "GripShift", manettes rotatives de changement de vitesses, mais je dois avouer que leur simplicité d'utilisation et leur précision sont vraiment agréables. Elles sont tout à fait appropriées à ce genre de vélo. Et la combinaison des dérailleurs Shimano Acera 8 vitesses, à l'arrière et Shimano Tourney, pour 3 plateaux à l'avant, est précise, souple et douce. Grâce à ses 24 vitesses, on vient facilement à bout de n'importe quelle côte.

Nous avions eu quelques remarques de certains de nos détaillants face à la grosseur des tubes du porte-bagages. Mais je peux rassurer tout le monde, 95% des sacoches que l'on retrouve sur le marché s'adaptent parfaitement à ce porte-bagages. Je le voulais costaud visuellement et physiquement, afin de s'harmoniser esthétiquement au cadre du vélo. Ainsi cela donne une impression d'unité. D'ailleurs, le fait de le peindre de la même couleur que le cadre renforce aussi cette unification. On aurait pu le faire souder au cadre, mais on s'est dit qu'il serait mieux de les installer avec des boulons, pour qu'en cas de bris, on puisse facilement le remplacer sans altérer le reste du vélo.
Pourquoi des garde-boue en métal plutôt qu'en plastique, ce qui aurait été un peu plus léger? Le plastique, une fois déformé par le temps, la chaleur ou autre mauvaise utilisation est irréparable. Le métal, pour sa part, peut en tout temps être facilement redressé. De plus, les peintures sur métal et les peintures sur plastique ne réagissent pas de la même façon. Il aurait été laid d'avoir un désaccord de coloris. Et encore une fois, par souci d'intégrité, je ne voulais pas mélanger les matériaux.
La selle Ora voyage, que nous utilisons depuis quelques années sur les vélos de "touring", à fait ses preuves. Effectivement, pour mes premiers 60 km de l'année (honte sur moi!), elle s'est montrée très discrète!
Les poignées rembourrées seront très appréciées des personnes qui se plaignent d'engourdissement des mains au bout de quelques kilomètres.

Un de mes critères de qualité, pour n'importe quel véhicule, que ce soit voitures, motos ou même mes planches à roulettes (!), c'est le silence. Pas de vibrations. Pas de bruits dérangeants. Et le Cervin m'a impressionné à ce titre : le silence complet! Même le moyeux roue libre est muet de cliquetis. Ce qui donne une impression justifiée d'intégrité du vélo. C'est la première année que nous créons ce genre de bicycles. Je ne pensais pas qu'un vélo tout équipé de porte-bagages, garde-boue, garde-chaîne et béquille puisse être aussi silencieux. Même les pires cahots des rues de Montréal n'ont ébranlé son flegme stylé. Ses pneus à larges dessins ont une bande de roulement très douce et ne sont pas trop gros afin de réduire la friction au sol.

Bien sûr, pour effectuer une navette "travail-maison" aussi longue, je recommande tout de même un vélo urbain performance, tel que le Capriccio, l'Orpheo ou l'Adagio. Le Cervin, quant à lui, est mieux adapté pour des déplacements plus courts, des déambulations urbaines d'une dizaine de kilomètres. C'est justement son affectation. Trouver du plaisir dans des parcours citadins multidirectionnels. Tricoter la ville à son rythme!