jeudi 25 mars 2010

Le pont



Aah! Ce pont Jacques Cartier. Mon préféré, je l'avoue. Une piste cyclable large, une vue imprenable! Imprenable? Une drôle d'expression d’ailleurs, qui signifie le contraire finalement... avec un appareil photo, on prend tout ce que l'on veut!

Cette vue surplombant les toits de Montréal, le fleuve et ces navires... On peut y voir la laideur d'une métropole : Des toitures fatiguées et rafistolées, des ruelles encombrées et sales, des architectures désespérément disparates, un fleuve inlassablement souillé et des navires aux coques suintantes de rouilles. Mais on peut aussi y voir la beauté de l'effervescence d'une grande ville, l'éclectisme créatif et bigarré d'une cité en constante mutation, la dynamique et l'énergie urbaine...

Chaque fois que je traverse le pont, en vélo, en direction de Montréal, je me réjouis de me baigner dans cette atmosphère urbaine unique en Amérique du nord. Le pont m'offre une transition métallique, un enchevêtrement de poutres d’acier rythmées de millier de rivets, un passage hors du temps qui me propose la ville de haut et de loin, tout en m'y amenant sûrement et certainement. Ce passage est comme un élan (surtout dans la dernière descente!) vers le "tout possible".
Pour ceux qui ont une appréhension face aux ponts en général, sachez qu'aucun d'eux ne peut s'enorgueillir d'avoir une facilité de passage cycliste aussi agréable. Pour ceux qui ont peur de devoir faire face à de longues ascensions : « Que nenni »! Il s'agit de faux plats qui, s’ils sont bien gérés, (c'est-à-dire partir doucement, petite vitesse), s’avalent tous seuls.

Et que dire de cette vue en direction inverse, lorsque quittant la métropole on revient sur la rive sud, une image nous frappe : c’est l’impression d’aller plonger dans une épaisse forêt d’où émergent, ça et là, quelques bâtisses, trahissant la présence d’une « vie après le pont ».

Le long de la traversée se trouvent quelques aires d'arrêt qui nous permettent  d'admirer la vue, sans gêner le passage. Au loin se dessinent les ponts Victoria et Champlain qui semblent être des frêles chenilles de fer ou de béton, lévitant sur un fleuve large et généreux.
À mi-chemin du pont, on pourra s'arrêter et lire la plaque commémorative nous racontant l'histoire de ce pont. On y fait de surprenantes découvertes! Historiquement, le pont a son lot d'anecdotes et de légendes urbaines. Comme par exemple, les fameux pointes de piliers en forme de tour Eiffel, qui ont fait croire à bon nombre que celles-ci auraient été offertes par la ville de Paris, ou mieux encore, que le pont aurait été ébauché par Eiffel lui-même. C'est en fait le buste de Jacques Cartier, qui fut offert par la France.

Et cette fameuse capsule temporel où serait enfermé quelques artéfacts de 1926, capsule enfouie dans une pierre angulaire dont on aurait perdu l’emplacement exact suite à la modification du tracé original, côté Montréal...

Et ces quatre étranges tours de service, d'un style incongru, frisant l'arabisant? Sans parler de cette salle de bals en dessous de vos pieds alors que vous passez entre les tours. Une salle de bals? Oui, oui! Une immense alcôve abandonnée se cachant sous le tablier du pont, vestige des idées de grandeur d'une certaine époque.

Et finalement, que dire de cette petite jouissance presque prétentieuse lorsque vous circuler librement et aisément sur la piste alors que le flot de véhicules, sur le tablier, se trouve engorgé, ralenti, voire complètement coincé? Vous vous sentez observés par ces automobilistes jalousant peut-être votre apparent plaisir de vivre!
À lire : L'historique du Pont Jacques Cartier
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pont_Jacques-Cartier
http://www.pjcci.ca/Francais/jacques-cartier/historique.HTM


photo principale : Colocho
photo des embouts du pont : Stéphane Batigne
photos : Alec

mardi 23 mars 2010

Réminiscence hivernale

Faut s'adapter
Texte paru dans
le magazine VéloMag
mars 2010

— Comment tu trouves ça, rouler en vélo l’hiver? demande Réal du haut de son camion arrêté au feu rouge.
— Faut s’adapter! Mais en général, c’est pas si pire! répond Marc, sur son vélo… adapté.
— Moi je te trouve plutôt courageux! Tu dois te geler les doigts et d’autres affaires avec!
— Je me suis adapté aux conditions avec de bons vêtements.
— Pis, ça doit glisser pas mal?
— Ça dépend des pistes. Faut aussi s’adapter à l’état de la route.
— Des pistes? Tu vois une piste, toi? T’es même pas sur une piste!
— C’est sûr, dans d’autres villes, c’est mieux adapté!
— En Europe peut-être, mais pas ici, certain! Même en été, c’est pas évident. Alors en hiver…!
— Ça s’améliore. Ils ont adapté certaines rues.
— Si tu veux mon avis, ça paraît pas tellement! Moi, si j’étais le maire, je ferais en sorte que cette ville devienne un modèle, qu’on puisse se déplacer facilement et en sécurité en vélo, partout!
— Oui, mais il faudrait que les mentalités s’adaptent aussi.
— Pff1 On est loin de faire changer les habitudes. Déjà avec moins de voitures en ville…
— …Adapter les centres-villes aux piétons?
— C’est ça! On respirerait mieux.
— Moins de camions?
— Cout’donc! T’as des bonnes idées, tu devrais être maire. Moins de camions en ville, absolument!
— Mais vous perdriez votre emploi? Il faudrait vous aussi vous adaptez.
— Tout le monde devra s’adapter un jour ou l’autre! On a plus le choix. Et puis tu crois pas si bien dire! Je conduisais des 18 roues avant. Il y a eu des coupures…
—…Dans les pneus?
— T’es un comique toi! Ben tu vois, je me suis aussi adapté. Je conduis des plus petits camions. Et puis, t’a dit « moins de camions ». Ça veut pas dire « pas de camions du tout ». De toute façon, il faut bien livrer la marchandise. Pis moi, tu vois, je fais ma part en quelque sorte.
— C’est quoi votre marchandise?
Réal sourit et, en guise de réponse, lui montre un catalogue de vélo.

image : La tour noire
Alec - acrylique sur toile - 2009 - 34" x 48" (91,4 cm x 121,9 cm)

Série "Usines"
www.alec5.com

vendredi 19 mars 2010

Esquisses






Quelques esquisses pour le projet ArtBike pour donner le ton de ce que peut être le projet. Bien sûr en réalisant des peintures directement sur les cadres, il va se passer des choses indéfinissables que seul le processus artistique peut expliquer.
J'ai aussi envie d'expérimenter d'autres avenues beaucoup plus graphiques. "Work in progress" comme disait l'autre!

mercredi 17 mars 2010

Eclectisme architectural

En roulant à vélo à Montréal, en levant le nez (pas trop haut tout de même!) on peut découvrir une richesse de détails architecturaux sans fin. De la corniche en bois habilement sculpté à la pierre finement ciselée, en passant par le fer savamment forgé, la moulure baroque de ciment peint et la tôle ingénieusement façonnée.
Surprenant d'ailleurs comme tous ces détails peuvent nous échapper. Parce que l'on tient pour acquis ce qui nous entoure? Un tremblement de terre (!) et on s'aperçoit alors de la perte de ce savoir-faire et de ce temps d'artisan littéralement offert à la postérité. Car, pourrait-on construire un bâtiment avec autant de détails ornementaux aujourd'hui, avec autant de soucis de l'inutile mais tellement beau? Bien sûr, ce n'est plus la mode depuis longtemps, ni les façons de faire. Nous sommes plus pragmatiques, plus économiques... Mais est-ce meilleur?

Il est aussi frappant de constater à quel point à Montréal et dans d'autres villes nord-américaines d'ailleurs, les différentes époques de construction ont su ignorer outrageusement les précédentes, créant ainsi un éclectisme à la limite de l'absurde. Le jumelage forcé de nombre de bâtiments relève de la plus grande indifférence architecturale. Quoique, d'un autre point de vue, cela met justement en valeur la différence. Un petit immeuble coincé entre deux énormes tours sera bien plus remarquable que s'il était noyé dans un ensemble harmonisé. C'est un point de vue! Mais du coup, les deux tours semblent encore plus affreuses!

Tiens! On pourrait lancer un jeu amusant : prendre en photo les plus improbables agencements architecturaux... avec votre vélo, bien sûr! À vos appareils!