vendredi 11 septembre 2015

Ralentissez - Slow Down



 Ralentir semble tenir de l'utopie dans notre ère de performances, de vitesse et de résultats. Or, en prenant le temps, on peut plus adéquatement réfléchir à un projet, à un concept et, par le fait même, probablement perdre moins de temps lors de sa réalisation. Ralentir ferait donc gagner du temps? C'est possible.

En vélo, se déplacer à toute vitesse engendre une sorte de stress. Un stress dynamisant pour certains, mais peut-être inutile pour d'autres.

"chi va piano, va sano e va lontano"
(qui va doucement, va sainement et va loin)
Ce dicton Italien résume parfaitement ce que le cyclisme urbain peut devenir pour certains.
À l'exemple de l'Europe, les gens d'affaires se déplacent en complet sans craindre l'inconfort de l'effort, car, justement, ils ne semblent pas mettre d'effort à se déplacer.

Choisir son parcours est la clé d'un déplacement en toute quiétude. En Amérique du Nord, on pense nos parcours selon nos habitudes automobiles, hormis, bien sûr, celui des voies rapides. Or, dans un cadre urbain, il existe une foule de rues à faible achalandage qui permet de se déplacer plus calmement.
Et pourquoi ne pas faire en sorte que le déplacement obligé devienne un déplacement bénéfique? Bénéfique pour la santé du corps et aussi de l'esprit.

Alors, après le "métro-boulot-dodo", allons-y pour le "vélo-boulot-molo"!

lundi 7 septembre 2015

Le cycliste urbain n'existe pas



http://flickr.com/photos/professorchrisgo/2878870571/
www.christhomasphotography.com

Chris Thomas - photographe

Le cycliste urbain n'existe pas

Il n'y a pas UN archétype de cycliste urbain, mais une multitude de personnes qui utilisent leur vélo. En fait on ne devrait même pas parler, proprement dit, de cyclisme, car les urbains ne se collent pas à l'image sportive ou "touring" que les autres créneaux routiers peuvent arborer. L'urbain "utilise un vélo", ce qui est en fin de compte très différent comme approche, comme façon de penser. Il s'agit ici bien plus d'une façon d'être, d'une sorte de déclaration, que d'un status. Les urbains aiment leur vélo mais n'aime pas forcément le cyclisme. Ils font du vélo par opposition à la voiture ou par nécessité de déplacement. Bien sûr, comme dans tout, il y a des exceptions. Ainsi on pourra voir quelques "jersey et lycra" passer en ville.

Le vélo urbain est une jungle complexe et un peu insaisissable. Issu de divers milieux, de diverses cultures, il ne se conforme à aucune étiquette précise, mais touche un peu à tout et à tout le monde. À l'instar des styles musicaux d'aujourd'hui, on peut combiner à peu près tout avec tout. De plus chaque ville a ses spécifications de genres et de modes. Par exemple, Copenhague et Amsterdam sont plutôt "Chic Cycles", New York est peut-être plus "Fixies" actuellement...

À en voir les images de Chris Thomas (Kansas City), cette jungle est plus profonde encore que ce que l'on peut imaginer.

Si on observe bien, on peut toutefois remarquer que tous les types de cyclistes sont représentés dans le genre urbain, et même plus.
Par exemple, le cycliste routier, qui d'ordinaire enfourche une bécane de course racée et d'une esthétique sûre, utilisera un vélo urbain léger et performant, sorte de vélo de route à guidon droit. Ce cycliste sera un exemple de navetteur "maison-travail", si son cadre de travail lui permet de "protéger" son vélo adéquatement.
Bien sûr, il y a les purs et durs qui maintiendront l'utilisation de leur bécane de compétition en milieux urbains. Le gain? La vitesse évidemment.

Le voyageur utilisera probablement le même vélo de "touring" que pour ses excursions, ce dernier étant assez bien adapté aux conditions urbaines. De plus, il lui permettra de transporter toutes ses affaires pour un "navettage" plus efficace.

Le cycliste de montagne aura tendance à retrouver la robustesse de sa monture dans un simple hybride, son compromis urbain, soit en maintenant le concept de la suspension avant, soit en le simplifiant et adoptant la fourche rigide et réduisant la grosseur de ses crampons de pneus.
Dans la même veine, il y a quelques "poser" qui utiliseront, a leurs dépens, leur machine de descente. Mais on en conviendra, question efficacité de déplacement, ils repasseront!

Le promeneur aura pour choix un vélo urbain confort doté de suspension à la tige de selle et à la fourche, et d'une potence ajustable. Le confort est là, mais le poids aussi. Il oublie qu'un vélo, on ne fait pas que rouler avec, on le transporte aussi.
D'autres promeneurs utiliseront un "cruiser' sorte de vélo de plage adapté à la ville.

Dans cette jungle urbaine se profilent aussi à l'horizon des tendances que l'on pourrait qualifier de plus "culturel". Ainsi la vague de fond qu'est la mode des "Fixie", vélo à pignon fixe, semble vouloir émerger lentement depuis les années 70, et plus intensément depuis ces dernières années dans les grandes métropoles de ce monde. Sorte de rébellion au fait automobile et à l'instar des "taggers" qui s'approprient les murs de la ville, les "Fixie" s'emparent du réseau urbain. On retrouve la plupart des "Fixie" chez les coursiers. Vélos issus en général de vieux vélo de piste, ou de routiers recyclés, épurés à l'extrême, dont on a tout retiré, jusqu'aux freins dans certains cas, les "Fixie" exercent une fascination et stimulent la créativité de ceux qui les fabriquent. Ce sont souvent de magnifiques exercices de style.

Le "Chic Cycle" (ou "Urbanista" dans notre cas présent), est aussi un mouvement de fond, reprenant soit de véritables vieux vélos d'avant guère, soit des vélos neufs aux allures anciennes, s'actualisant de matériaux et composants modernes. À noter que cette tendance a pour bénéfice de susciter chez certains le goût d'utiliser plus volontiers un vélo et de délaisser autant que possible la voiture. Grâce à son allure esthétique, sa recherche de design, ce genre de vélos crée des coups de coeur et fait vibrer, chez d'autres, des souvenirs enfouis. Qui se souvient de son vélo d'antan, de sa fière monture sur laquelle il parcourait la ville à la découverte du monde.
Plus rare, dans cette même mouvance, on peut aussi retrouver certains vieux concepts tels que les fameux vélos "Mustang" et leur non moins fameux siège banane. Ces montures complètement restaurées ou, au contraire laissées parfaitement d'origine, sont les coursiers fidèles d'une certaine clientèle, aux déplacements réduits certes, mais fréquents et totalement intégrés dans leur mode de vie.

Et il y a les inclassables, les vélos rafistolés, adaptés, recyclés... Ils servent à la livraison, à la ballade, aux déplacements sporadiques ou réguliers. Fait de pièces amassées de tous bords, tous côtés, ils n'ont pas de style proprement dit, ou plus tôt il s'agit justement de leur style.

Bref. Existe-t-il un anthropologue du cycliste pour débroussailler cette jungle?
En fait, je dois l'avouer, c'est un terrain extraordinaire de création pour un designer de vélo!..

mercredi 10 juin 2015

Le vélo selon Picasso


Tête de taureau Pablo Picasso
Paris, printemps 1942
Selle en cuir et guidon en métal
h. 33.5 ; l. 43.5 ; p. 19 cm
Musée national Picasso


Pablo Picasso, "trifouilleur" devant l'éternel, affectionnait les assemblages hétéroclites, source de création sans limites. Ici, c'est dans un éclair que cette selle et ce guidon de vélo se sont associés dans l'esprit de l'artiste. La tête de taureau est animal emblématique de l'œuvre de Picasso.
La simplicité visuelle de cette forme n'est pas sans rappeler les peintures rupestres et, évidemment, la composition élémentaire des structures graphiques de Picasso.

On peut aussi digresser et penser que pour certains, le cyclisme urbain est une sorte de corrida dans laquelle on peut se demander qui est le toréador et qui est le taureau. Pas nécessairement ceux auxquels on peut penser de prime abord.

jeudi 12 mars 2015

Microscopie du son - Anne-Françoise Jacques

Arrivé à la soirée du 10e anniversaire de la Fonderie Darling, à Montréal, il y règne une étrange ambiance, entre effervescence créative et la nonchalance contemplative.

Les couloirs sombres de briques et de plancher de bois, d'où émergent çà et là les anciennes structures d'acier de la fonderie, ajoutent à l'envoûtante atmosphère une résonance d'un passé industriel. Un gigantesque escalier en colimaçon s'élève sur trois niveaux vers un puits de lumière blafarde. Une foule badaude et curieuse découvre tout autant le travail de plusieurs artistes que leurs ateliers de recherche. 

Entre installations énigmatiques et collages photographiques tout aussi cérébrales et obscures, quoique magnifiques, au détour d'un couloir, il y a un petit bout de femme qui s'évertue à moduler des sons étranges et cycliques en ajustant et adjacents divers pièces mécaniques déposées sur les réceptacles des bobines de vieux mini-magnétophones. Un harnachement de fils transmet le son dans de minuscules amplificateurs disséminés au sol.

Mais que fait-elle? À quelques mètres de là, il y a un dj, avec ces tables tournantes numériques qui, attendant son tour, fini son installation. Elle, dans son coin, ressemble à une petite souris qui tente de rivaliser avec un lion prêt à bondir. Pourtant elle ne semble nullement intimidée. Très concentrée sur sa performance, elle manipule avec délicatesse et précision les divers objets hétérocycliques, leur soutirant leur magnétisme afin d'en extraire leur son. Et elle y arrive sans peine, nous faisant ainsi entendre l'essence même de la matière. Frottements, ondulations, vibrations, tensions, le cyclisme auditif crée un rythme et un jeu de découverte auxquels on se prête facilement avec amusement et surprises. On se dit : C'est quand même fou ce qu'on peut tirer comme son d'un roulement à bille, d'un bloc de métal ou de bois...

image : MUTEK
Anne-Françoise Jacques est une artiste sonore et une mécanicienne de bicyclettes. Dotée d'une formation classique et spécialisée en composition électro-acoustique à l’Université de Montréal, elle excelle depuis 2004 avec ces petits objets. Elle s’intéresse au minimalisme du son, aux grattements, aux ondes électriques et à l'accident sonore. Plus souvent en solo, elle collabore également avec quelques artistes dont Nicolas Dion avec qui elle a créé le projet MiniBloc, un projet axé sur la performance et la création radiophonique. Elle est aussi cofondatrice et membre du collectif le-son 666. Elle a aussi créer des trames sonores pour des films d'animation. Elle se produit dans plusieurs villes, dont Vancouver et Berlin.

Anne-Françoise a trimbalé cette année son étrange attirail au Mutek où elle a su faire sa marque.

http://anne-fff.tumblr.com/
http://soundcloud.com/annef
https://vimeo.com/42157907