mardi 8 juin 2010

Le cyclisme judéo-chrétien


photo : Alec

Je sais que je ne me ferais pas que des amis avec ce billet, mais j'ai eu une drôle de pensée face au Tour de l'Île de cette année. Voici que plus de vingt mille cyclistes ont affronté avec bravoure dame nature, selon les termes très appropriés des médias. Des cyclistes transits de froid, mouillés jusqu'aux os avec un seul but en tête, une seule pensée, une seule vision motivante : « L'arrivée! ».
Fiers d'avoir souffert durant cinquante kilomètres, fiers de n'avoir jamais lâché malgré la pluie, le vent, les couleurs ternes du ciel, la fatigue grandissante, ou même l'insoutenable envie de pisser!

Faut-il parcourir le Golgotha pour avoir du plaisir? Et d'ailleurs, est-ce vraiment du plaisir? Bon, je sais (et j'en ai été), il y a ceux qui aiment que cela soit rude pour se sentir plus vivant encore. Mais n'est-ce pas là une façon de penser judéo-chrétienne qui valorise le martyre comme tribu à payer afin d'atteindre la rédemption? Quoi? Faut-il se faire pardonner le fait d'aimer avoir du plaisir? Pour bon nombre, c'est encore très ancré dans leur conscience. Mais n'est-on pas sorti de la grande noirceur? Enfin... Dimanche, c'était encore la noirceur pour beaucoup.

Est-ce que l'un des vingt mille cyclistes se souvient avoir profité du parcours pour regarder la ville sous un nouvel angle, libre de voiture, remarquer l'architecture hétéroclite de Montréal et ses innombrables subtilités, observer les couleurs et le graphisme urbain, les arbres, les fontaines et les sculptures, les gens qui passent, leurs regards, leurs enfants, la vie quoi? Peut-être. J'avoue que, dans de telles conditions atmosphérique, il est difficile d'avoir la même sérénité que lors d'un soleil radieux, d'une chaleur douce et de couleurs éclatantes.

Alors je me dis que pour faire aimer le vélo au plus grand nombre, particulièrement à ceux qui n'ont jamais enfourché un cadre, pour qui le moindre effort est déjà de trop, je ne sais pas si de leur montrer qu'il faut souffrir pour avoir du plaisir est la meilleure voie de communication. Je me demande si ce ne sont pas les médias, préférant l'angle dramatique de toutes choses, qui nous influence dans la façon de décrire nos expériences.

Je préfères dire aux gens qu'il y a un autre monde qui n'a rien à voir avec ce qu'on leur dit à longueur d'année dans les médias, qu'il n'y a pas que l'effort, la performance, la glorification de la souffrance, qu'il n'y a pas que les cyclistes happés, écrasés, martyres de la sainte voie automobile, qu'il n'y a pas que les vols de vélos (il y a aussi les vols d'autos!), qu'il n'y a pas que la circulation, la congestion, le smog (il y aussi le rhum, les allergies...! Je rigole!). En deux mots, il y a aussi le "Slow Bike".
Pourquoi souffrir lorsqu'on peut sourire?

Mettre la pédale douce. Voilà l'expression consacrée. La douceur, même sous la pluie. Car moindrement équipé, un simple crachin ne gène en rien la balade en vélo. Et s'il s'agit d'une pluie battante, pourquoi ne pas faire une pause dans un petit café sympathique? Et s'il n'y a pas de café sympathique? C'est que vous n'êtes plus en ville! Ou bien simplement pas du coin. Mais si vous avez l'habitude de circuler en vélo en ville, vous êtes alors de tous les coins, car vous aurez bien plus facilement remarqué, lors de vos multiples déplacements, les restaurants, les terrasses et les cafés agréables, bien mieux qu'en voiture.

Les voix du cyclisme ne sont pas impénétrables, et surtout pas imperméables!! Amen!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire